Réflexions sur l’aspect systémique des organisations

Une entreprise est un système complexe, c’est à dire un ensemble d’entités en interaction les unes avec les autres, cherchant à atteindre un objectif commun. Ceci est bien évidemment un modèle réducteur, et donc faux, mais qui propose une lecture différente du fonctionnement d’une organisation. En regardant cette dernière sous le prisme de l’approche systémique, on observe que l’analyse des liens de cause à effet sont limitants s’il l’on cherche à modéliser et comprendre son fonctionnement. En effet, l’approche systémique propose de ne pas se focaliser sur un élément du système en tant que tel, mais sur ses interactions avec les autres éléments, qui eux-mêmes réagissent en retour (boucle de feedback).

Prenons comme exemple le fonctionnement d’une chaudière, système constitué de 3 éléments en interaction : 1 qui chauffe l’eau du circuit de chauffage, 1 qui mesure la température de la pièce, et 1 dernier qui décide quand allumer le chauffe-eau en fonction de la mesure prise par le thermomètre.

Le système s’est vu communiquer un objectif de maintenir la température de la pièce à 20° (sans objectif, que faire ?). Le thermomètre prend la température de la pièce, l’élément décisionnaire compare l’objectif avec la mesure et prend la décision d’allumer le chauffe-eau (ou non), puis quelques instants plus tard, le thermomètre renvoie une nouvelle information (feedback) à l’élément décisionnaire pour qu’il puisse décider ce qu’il faut faire. On observe ici un processus circulaire. Il n’y a pas de lien de cause à effet A -> B mais bien A-> B -> C -> A. Cette circularité ne fonctionne que si chaque élément joue son rôle, et on observe que le sytème entier est bien plus que la somme de ses parties. De leur interaction naît une propriété émergente : la capacité à maintenir une température agréable dans une pièce.

Est-ce que ce système chaudière est capable de maintenir une pièce exactement à 20°? Tout dépend de la régularité et de la fréquence du feedback. Une fois que la pièce a atteint la température demandée, si l’on observe les mesures du thermomètre on observera une courbe ressemblant à celle-ci :

Le système est en état d’homéostasie. Ce qui veut dire que pour se maintenir dans un état de stabilité, il exerce des boucles de rétroaction négatives (activation de l’élément chauffant pour réduire l’écart si la température est trop basse par exemple). Plus les feedbacks seront fréquents, moins l’écart à la norme sera important.

Tout cela pour dire que dans tout système, physique comme dans cet exemple, ou humain comme dans une entreprise ou même une équipe, son bon fonctionnement est conditionné à :

  • La définition d’un objectif clair (et atteignable), qui en général bénéficie à l’environnement
  • L’inclusion de tous les éléments techniques ou humains nécessaires à l’atteinte de l’objectif
  • La présence d’au moins une sonde permettant de recevoir un feedback de l’environnement

L’objectif d’un système

Petit a parte sur la notion d’objectif atteignable : dans l’exemple précédent, imaginons que l’objectif est de proposer un confort thermique à toutes les personnes présentes dans une pièce. C’est évidemment dans ce cas un objectif non atteignable, ou en tout cas il n’y a aucune garantie que tout le monde puisse être satisfait. A cause de la sensibilité de chacun, de la volonté de mettre un pull ou de se mettre en T-shirt, de l’humeur du moment, … Intervient donc souvent la notion de compromis lorsque le feedback revient à l’élément décisionnaire du système : la majorité ressent-elle un confort correct ? Les personnes non satisfaites ont-elles des contre-indications à subir un inconfort thermique (si elle est malade par exemple) ? Bref tout un tas de critères qui eux-mêmes ont une importance différente en fonction de l’élément décisionnaire lui-même. Si c’est un humain, sa propre sensibilité va être prise en compte dans le processus de prise de décision. Il est donc important de travailler aussi avec le système sur l’élaboration des critères de choix qui sont importants pour les éléments extérieurs au système.

Les sondes d’un système

Nous avons vu que pour qu’un système soit fonctionnel, il doit sans cesse mesurer l’environnement et comparer les mesures aux objectifs qu’il s’est fixé ou qu’il s’est vu fixés. Il est évident, si l’on reprend l’exemple de la chaudière, que si le système mesure le taux d’UV dans la pièce, il sera impossible de remplir son rôle. Le système doit donc se rapprocher de son environnement pour comprendre comment il peut participer à ses objectifs.
Disons que notre système chaudière fait partie d’un système plus grand : le système maison. L’environnement direct du système chaudière est donc le système maison, qui a pour environnement le système ville. Pour bien fonctionner, le système chaudière se rapproche du système maison et lui demande : “Quels sont tes objectifs ?” Le système maison répond, entre autres : “Le bien-être des habitants”. Le système chaudière propose donc de participer au bien-être des habitants en leur proposant une température toujours confortable. “Y a t-il d’autres critères importants que je devrais savoir ?”. “Oui, rétorque le système maison. Chauffer coûte cher, il faudrait donc porter une attention particulière à ne pas trop consommer”. Notre système chaudière repart donc avec 2 objectifs. Quelles sont les sondes à mettre en place pour qu’il soit opérant ?

Dans une entreprise, les équipes ont donc souvent plusieurs objectifs, parfois explicites, parfois implicites malheureusement. Ces objectifs peuvent être complémentaires,  dissociés, voire a priori contradictoires comme dans l’exemple précédent. Mais attention, les objectifs a priori contradictoires sont souvent l’occasion de stimuler l’innovation et l’intelligence collective au sein d’une équipe. Il faut juste qu’ils ne soient pas formulés sous la forme d’une double contrainte (par exemple : “Innovez technologiquement sur ce nouveau projet mais respectez les règles d’architecture interne”).

La partie opérante d’un système

Imaginons que le système chaudière ne possède pas d’élément permettant de chauffer l’eau. Il devient alors inutile car inopérant : l’eau ne chauffe jamais.
Imaginons maintenant que, pour des raison de coûts, un immeuble se partage quelques éléments chauffants pour un grand nombre de chaudières. Si la chaudière A décide qu’il faut chauffer l’eau mais que l’élément chauffant est occupé dans la chaudière B, tout le système chaudière A devient momentanément inopérant. A son retour, la pièce est encore plus froide qu’au moment ou il a été sollicité, ce qui lui prend plus de temps pour faire son travail. En parallèle, une autre chaudière a besoin de lui, mais il est occupé à rattraper sont retard avec la chaudière A. Etc … Pour qu’un système fonctionne, il faut que tous les éléments nécessaires à son bon fonctionnement soient présents. En faisant un parallèle avec une équipe de développement informatique en entreprise, cette équipe doit posséder toutes les compétences (techniques, business, …) nécessaires à son bon fonctionnement. Les individus ne peuvent pas être partagés entre plusieurs équipes car cela provoque des temps d’attente qui eux-mêmes provoquent un dysfonctionnement du système équipe. Il est par contre important que les équipiers puissent participer sporadiquement à des activités d’autres systèmes pour améliorer la performance du système englobant (communication sur les objectifs, les dépendances, l’état d’avancement, synchronisations techniques, bonnes pratiques, …)

Pour conclure, ce changement de regard sur les entreprises peut aider à corriger des situations d’échec, à améliorer les interactions et donc la performance globale du système.